Les minorités humaines sont malmenées. Pourtant, dans nos sociétés, on s’accorde à dire que la voie à suivre est celle de la liberté, de l’égalité et du respect. Les défenseurs des droits humains, souvent des personnes concernées par différentes oppressions, font un travail énorme et indispensable.
Il existe aussi des « amis des animaux » prêts à défendre ces derniers des oppressions qui leur sont propres. Certains se révoltent contre la corrida, la fourrure, la vivisection, la chasse d’espèces animales en voie d’extinction, d’autres contre les maltraitances envers les animaux domestiques, etc.
Mais combien voient un problème à l’exploitation quotidienne que subissent les animaux d’élevage par exemple ? Combien crient que tous les animaux quels qu’ils soient ont le droit à la vie et ne devraient pas souffrir de notre main. Combien s’élèvent pour dire stop à l’exploitation des autres espèces terrestres par les humains ?
Seuls les « trop sensibles » végétariens rejettent la viande et uniquement les « intégristes extrémistes » vegans refusent de contribuer de quelque manière que ce soit à ce qu’ils décrivent comme une tyrannie. Comment est possible ?
Tout comme la corrida, la chasse et la pêche, la vivisection, la fourrure et le cuir, comme tous les produits animaux, la viande sans souffrance ni exploitation n’existe pas. Elle représente même une des plus grande source de souffrance animale de nos jours. Alors bien sûr, il existe de nombreuses façons de réagir.
Dans cet article sont énumérées un certain nombre de stratégies que l’on met en place afin de ne pas réfléchir plus profondément aux problèmes de la viande, ou agir pour enrayer ces problèmes. J’ai tenté de révéler à chaque fois en quelques phrases simples la réalité derrière les histoires et contes que l’on se raconte en renvoyant vers des liens et articles en rapport avec les différents sujets. Le but est d’inciter à aller plus loin dans la réflexion, libre à vous de cliquer pour en apprendre plus !
Cet article ne vise pas à blâmer, il n’est pas question de nier les freins propres à chacun, mais de faire réfléchir de manière plus globale. Vous verrez que de nombreuses idées se complètent ou se chevauchent dans cet article en deux parties, n’hésitez donc pas à lire la totalité de cet article en prenant votre temps afin d’avoir une vue globale.
L’évitement ou le contournement :
- Consommer de la viande « éthique » :
Histoire : Acheter bio, aller chez le petit fermier qui traite bien ses animaux.
En pratique : La notion de bien-être animal n’est à ce jour garantie d’aucune façon par quelque filière que ce soit.
L’agriculture biologique propose dans la majorité des cas des conditions de vie vaguement moins intolérables que l’agriculture « classique ». Toutefois, comme on peut le comprendre dans ce message d’Ecocert (issu d’une correspondance) « La réglementation relative à la production biologique prévoit que « toute souffrance, y compris la mutilation, est réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage » (article 14 1.b) viii) du règlement CE 834/2007). Mais elle ne définit pas la notion de « souffrance réduite au minimum »(…)« , le bien-être animal reste à la discrétion des éleveurs. Pour finir, le transport et les abattoirs sont bien les mêmes pour tous. Le bien-être que tente de garantir le bio est celui des consommateurs, comme on peut le voir sur ce site de lobbying pour la viande biologique qui ne mentionne absolument pas le bien-être animal dans les raisons de choisir le bio.
Autre solution, les rassurants petits producteurs. La notion de « petit producteur » ne veut absolument rien dire. Alors bien sûr, il existe des producteurs pour qui le bien-être des animaux est primordial. Toutefois, premièrement, nous ne sommes pas derrière le producteur du début à la fin de la « production » pour vérifier ses pratiques. De plus, quand on sait que l’écrasante majorité des élevages en France sont de type intensif, on est en droit de douter… Tous ces gens qui disent acheter chez « le petit producteur » connaissent-il réellement un petit producteur ? Finalement, choyer des bêtes pour ensuite les envoyer se faire tuer, cela a-t-il un sens ? Enverriez-vous votre chien ou chat adoré à l’abattoir pour payer vos factures ?
Finalement, dans tous les cas, tous les animaux sont envoyés très jeunes dans les mêmes abattoirs pour y mourir à la chaîne.
- Ne plus consommer de viande rouge :
Histoire : se rabattre sur la volaille et le poisson.
En pratique : Premièrement, il est bon de rappeler que les volailles et les poissons sont également des animaux et que leur chair est de la viande (pour rappel, le jambon aussi, c’est de la viande).
Ensuite, dans le silence de la mer, les poissons souffrent également. Les volailles sont également des êtres sentients capables d’empathie.
Pour ce qui est des problèmes écologiques, s’il y a une très sensible différence entre la viande rouge et d’autres viandes, cette dernière n’est véritablement marquée qu’avec une alimentation végétale.
- Se déculpabiliser :
Histoire : donner de l’argent ou du temps à des organisations humanitaires ou des associations de protection animale.
En pratique : Il est très positif d’aider de telles organisations. Toutefois, cela ne nous empêche pas de faire également de bonnes actions tous les jours.
On peut mener plusieurs combats à la fois pour le bien-être de tous et il n’est pas incompatible de penser aux humains et aux autres animaux. Il semblerait même que les végéta*iens montrent plus d’empathie envers les humains que les omnivores. De plus, la violence infligée par la viande peut être arrêtée facilement à notre échelle contrairement à d’autres fléaux, alors pourquoi ne pas abolir ces souffrances en changeant simplement notre mode de consommation.
Bon point pour les actions de tous les jours, alors que les dons d’argent ou de temps peuvent être difficiles pour certains, ne pas manger de viande par exemple est plus accessible. En effet, le prix de la viande étant important, la remplacer par des végétaux est toujours meilleur marché. Une bonne action qui fait du bien au porte-monnaie, qui peut dire non ?
Finalement, en ne consommant plus de viande, on fait du bien à toute la planète : écologie, inégalités entre êtres humains, santé, c’est un tout en un !
Le déni ou la dénégation :
- Minimiser son rôle :
Histoire : « ce n’est pas parce que j’arrête que tout va changer », « je mange extrêmement peu de viande ».
En pratique : Sauver des vies, ce n’est pas rien et c’est possible en ne mangeant pas d’animaux.
S’abstenir de manger de la viande ne serait-ce qu’une fois par semaine équivaut déjà à sauver des millions d’animaux au niveau mondial. Il ne faut pas sous-estimer la portée de nos repas sans souffrance, chaque vie sauvée est précieuse.
Vous mangez déjà peu de viande ? Super, alors vous savez déjà comment préparer de bons petits plats végétaux. Maintenant pourquoi ne pas aller plus loin ? En mangeant progressivement moins d’animaux, vous faites un pas chaque jour vers plus de vies sauvées. Finalement ce n’est qu’en arrêtant complètement la consommation de produits animaux que l’on ne contribue plus à cette exploitation et à ses diverses conséquences.
- Jeter la pierre à d’autres :
Histoire : « ce sont les éleveurs qui font du mal aux animaux », « la faute à l’industrialisation ».
En pratique : Si l’on ne consomme plus, ce ne sera plus produit.
Rien n’est tout blanc ni tout noir, nous sommes tous impliqués. Les éleveurs se plient aux exigences du marché et les industries étudient les volontés des consommateurs qui achètent majoritairement des aliments carnés bon marché. Si la demande change, la filière devra s’adapter. Nous pouvons donc faire bouger les choses avec notre consommation. Bien sûr, plus nous seront nombreux, plus l’impact sera important.
- S’en balancer et ne pas y penser, ou se dire qu’on assume :
Histoire : « on a mieux à faire », « on doit tous mourir de toute façon », « le monde entier est horrible alors… »
En pratique : Mieux à faire ? T’as « piscine », c’est ça ? Pas de problème, ça marche même à la piscine puisqu’il n’y a rien à faire, il suffit d’éviter la viande.
Que l’on meure tous, c’est un fait. Toutefois, la totalité d’entre nous n’est pas élevé puis tué dans l’enfance pour satisfaire les envies d’autres êtres.
Le monde entier est peut-être horrible, mais voilà justement un moyen de le rendre un peu plus chouette très facilement. Aider à faire un monde moins moche en modifiant simplement sa consommation, ce serait quand même dommage de rater cette opportunité ! De plus, il est vrai qu’il est difficile de penser à la paix mondiale quand exploiter et tuer des êtres sensibles est perçu comme « normal » dans la plupart des sociétés. Et si nous acceptions de faire un premier pas vers la paix grâce au contenu de notre assiette ?
- Tout rapporter à des choix personnels :
Histoire : « c’est ton choix, je le respecte, respecte donc le mien ».
En pratique : C’est ton choix de manger de la viande et le mien de ne pas en manger, c’est vrai. Mais à quel moment laisse-t-on à l’animal mangé, en d’autres termes la victime, le choix de vivre et de ne pas souffrir ?
Nos « choix » sont politiques. Quand nos choix ont des conséquences, la morale nous incite à voir un peu plus loin que le bout de nos choix, particulièrement quand cela implique des êtres sentients.
- Nier la capacité des animaux à ressentir et à souffrir :
Histoire : « quelles sont vos sources prouvant que les animaux ont mal ? », « les animaux sont idiots de toute façon. »
En pratique : Ah, nous y voilà, comment savoir que les animaux souffrent. Mais au fait, comment savoir qu’ils ne souffrent pas ?
Il existe de plus en plus d’études travaillant sur l’intelligence et la sentience animale. La question qui nous intéresse n’est pas tant de savoir quel est le niveau d’intelligence d’un animal que sa capacité à ressentir.
Bien sûr, comme pour les bébés humains, on ne peut être sûrs à 100% de ce que tous les animaux expérimentent puisque nous ne savons pas communiquer avec eux. Toutefois, il semblerait bien que les animaux ressentent et puissent donc souffrir. Quand un tel doute subsiste, peut-être est-il plus sage de prendre toutes les précautions possible pour éviter la souffrance.
Plus simplement, qui n’a pas au moins une fois vu du bien-être, de la peur, de la souffrance dans l’expression d’un animal ? Que ce soit un chien chéri qui hurle lorsqu’il est laissé seul, une vache qui panique à l’abattoir, le regard perdu d’un cochon dans le camion de transport, le veau séparé de sa mère qui l’appelle pendant des jours, le cochon d’inde blessé qui ne se donne même plus la peine de manger, la joie de l’animal de compagnie qui joue, etc., nous avons tous expérimenté des interactions avec des animaux en ne mettant pas en cause le fait qu’ils étaient bien là et ressentaient des choses. Alors pourquoi au moment de choisir ce que l’on met dans notre assiette avons-nous subitement besoin de preuves de ce ressenti ?
- Élucubrer que la souffrance des végétaux est le vrai problème :
Histoire : « avez-vous déjà entendu le cri de la carotte lorsqu’on l’arrache à la terre ? », « la salade mérite votre attention, la pauvre. »
En pratique : Ah le célèbre « cri de la carotte » bien connu des végéta*iens… parlons en.
Tout d’abord il est curieux de voir combien de personnes développent une empathie pour les végétaux dès qu’on parle de protéger les animaux. C’est évidemment une manière de se décharger et une tentative de décrédibilisation des efforts réalisés par les défenseurs des animaux. Mais intéressons-nous tout de même à la question qui n’est au fond pas si bête.
La souffrance telle que nous la concevons suppose un système nerveux qui fait défaut aux plantes. Selon nos connaissances actuelles, les plantes ne pourraient donc pas souffrir. Toutefois, il est envisageable que les végétaux perçoivent les choses d’une manière qui nous dépasse. Notons que la question ne se pose pas pour les fruits (au sens botanique du terme), organes végétaux ayant pour vocation de se détacher de la plante.
Dans l’éventualité où les végétaux ressentiraient quelque chose ressemblant à de la souffrance, quelle serait le meilleur choix ? Il faut savoir que l’on estime que 10 kg de protéines végétales sont nécessaires à la production d’un seul kilo de protéines animale. En vue d’épargner un maximum les plantes, il serait donc bon de les manger directement plutôt que de remplir son assiette de végétaux et de morceaux d’animaux eux-même nourris avec de nombreux végétaux (rappelons que l’immense majorité des animaux que l’on mange sont herbivores).
En conclusion, le meilleur moyen de restreindre aujourd’hui d’éventuelles souffrances végétales est de ne manger que des végétaux. On peut aller plus loin en favorisant les fruits et en choisissant de soutenir les cultures les plus respectueuses pour les végétaux. Ainsi, le potager bichonné par nos soins, ou lorsque ce n’est pas possible, une agriculture non intensive et biologique semblent de bonnes façons de se soucier des plantes.
- Affabuler :
Histoire : rappeler le « contrat implicite » entre les hommes et les autres animaux.
En pratique : Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? (Une marque de chocolat nous a fait le coup du monde bisounours aussi !)
Il existerait un contrat liant les humains et les animaux d’élevage. Tout d’abord quand on sait que les animaux sont pour l’instant généralement traités comme des biens meubles par la plupart des législations, ça fait légèrement sourire. Les droits et devoirs reconnus aux animaux, c’est bien quand ça arrange les humains ! La nécessité de la reconnaissance des droits des animaux est ici bien mise en valeur. D’autre part, pour le consentement libre et éclairé d’un contrat sans vice, on repassera.
Mais alors il y a quoi dans ce contrat tacite imaginaire ? L’humain protégerait les « animaux d’élevage » d’éventuels prédateurs et en échange ces derniers lui offriraient sobrement : leur vie, leur chair, leur liberté… En y réfléchissant, l’humain ne ferait que troquer les divers prédateurs potentiels contre un seul grand prédateur, lui-même. En échange, il s’octroie simplement la toute puissance de décider des conditions de vie et de mort de ces animaux d’élevage. C’est équitable !
Trai says
Excellente argumentation, « humaniste » de surcroît.
D’ailleurs, le terme « humaniste » est un peu flou…
On pourrait dire qu’il est assez « humain-centré ».
Mais ici, l’analyse s’attache à tous les êtres vivants, sans discrimination.
Et je ne trouve pas de terme définissant cette manière d’être.
Audrey says
J’aime beaucoup ton billet !
C’est très bien écris. En plus je retrouve à chaque fois des « arguments » que l’on m’a opposés et mes réponses… Pendant plus d’un an j’ai d’ailleurs fais la guerre à mes parents pour qu’ils acceptent mon végétarisme. Et le petit plus de cette année, le repas de Noël chez ma tante comportait une majorité de plat végétariens & végans, elle s’est renseignée pour moi <3
(Je ne sais pas si on te l'a fait, mais le coup du "cri de la papaye qui agonise" j'y ai TOUT LE TEMPS droit. C'est un véritable fléau cette papaye.)
Enfin, voilà, je tenais à rajouter une mangeuse de haricots verts à tout cela !
Bonne continuation 🙂
Nanie says
Oui, un bien bel article qui fait réfléchir… Comme déjà dit, je ne suis pas – encore ? – végétarienne mais essaie fermement de toujours diminuer un peu plus ma consommation de chair animale. Après, je crois que je manque d’idées de recettes, il faudrait donc que je me renseigne… Et inciter les autres à en faire autant est vraiment difficile malheureusement, souvent ils ne veulent rien entendre…
PIGUT says
Pour les idées recettes, tu es au bon endroit ! Mon site regorge de recettes végétales http://pigut.com/cuisine/ et de liens http://pigut.com/extras/liens/ pour encore plus de recettes végétales !
Inciter les autres à prendre conscience de leurs actes, c’est vrai que c’est difficile. En montrant qu’il est possible de faire autrement, on peut inspirer d’autres gens, qui inspireront peut être eux même d’autres personnes, etc… 😀
Ôna says
Cet article et son frère jumeau sont une superbe mise à plat de tous ces arguments que l’on nous assène à longueur de journée. Et grâce à ton travail de recherche et de réflexion, nous n’aurons plus aucun mal à défendre notre position. Donc, tout ça pour dire MERCI ! Je note que les commentaires se font tout d’un coup assez rares… est-ce que le thème dérangerait ?
kakou says
Perso, je n’ai pas reçu un mail pour cet article, je l’ai découvert par chance. ça explique peut-être la réflexion de Ôna ?
En tout cas, bon article, je salue ce travail, car s’il est simple de parler de cuisine, quand il s’agit d’argumenter sur un sujet délicat qui peut mettre les gens en face d’eux-mêmes, en parler n’est pas facile car on prend un petit risque de « déranger » (mais ce n’est pas pour autant qu’il faut taire cette souffrance! ), ça demande du « courage », et de l’énergie, car faut l’avouer, par moments, on est fatigué de sensibiliser les gens, surtout qu’en les sensibilisant, on reparle et repense à la souffrance et ça en soi est attristant …
Tout ça pour dire, peut-être maladroitement, Bravo !
PIGUT says
Je ne sais pas ce qui s’est passé, j’ai bien reçu l’email pour ma part (oui, hehe, je suis inscrite à mon propre suivi, pour vérifier qu’il n’y a pas de problème justement). Je crois que le petit nombre de réponse est du à autre chose, puisque cet article a été vu un grand nombre de fois selon les stats.
En tout cas, merci pour ton message 😀